Macao: «Geld, Geld, Geld!»
C’est avec mon Mac de plusieurs années que j’écris mes articles et jamais encore il ne m’était encore arrivé de prendre un seul de mes écrits. Mais la technologie n’est pas toujours aussi intelligente qu’on n’aime le croire et c’est ainsi que j’ai sans le vouloir perdu un article entier faisant état d’une réflexion sur la vie du théâtre que mon ordinateur n’a pour une raison inconnue pas su sauver. C’est un tel dommage, mais tant pis. Un malheur peut apporter un bonheur, et c’est suite à cette perte que j’ai pu me tourner pleinement vers ce thème qui m’intéresse depuis si longtemps : l’obscure présence de Macao dans ce pays où je vis déjà depuis presque trois ans, l’Allemagne.
Autant la Chine que Hong Kong font partie des sujets récurrents de la presse de langue allemande. L’image de la Chine que l’on trouve dans les médias a toujours été assez délicate, et elle l’est peut-être encore davantage devenue depuis les événements de ces derniers mois. Grâce à ce sacré VPN, je peux suivre les nouvelles en allemand depuis la Chine, ce qui en plus de me tenir au courant de l’actualité, me permet également d’entretenir cette langue et de pouvoir quand l’occasion se présente aller boire des bières avec mes amis allemand d’ici. Dans le contexte de la célébration de la Région administrative spéciale de Macao (RASM), la ntv a titré son reportage à ce sujet : « Xi Jinping visite Macao, un cadeau pour le plus brave Hongkong. » En ce qui me concerne, ce que je vois comme un cadeau c’est le nombre de reportages qui sont parus dans ce contexte et qui me donne l’opportunité de faire quelques recherches sur comment Macao est compris dans la presse allemande.
A la fin du mois de Novembre de cette année 2019 qui vient de se terminer, Jochen Faget, qui a d’ailleurs écrit plusieurs livres sur le Portugal, a réalisé un reportage pour la Deutschlandfunk Kultur dans lequel il interview Scott Chiang de l’Associação Novo Macau e Larry So, ancien professeur de l’Instituto Politécnico de Macau. Larry So fût d’ailleurs à plusieurs reprises mentionné et voir même cité par la presse germanophone : « Macao est rouge », et « il sera toujours de plus en plus rouge ». A première vue, et ce dans une quantité inhabituelle de reportages en allemand, Macao n’a, c’est ce que l’on peut apercevoir au-travers des mots des journalistes germanophones, pas l’air d’avoir une image trop positive. A les entendre, nous serions trop « argent-orientés » et nous en foutrions de la liberté. Sur le site de la deuxième plus grande chaîne de télévision allemande, on peut même voir un reporter finir son reportage a Cotai au milieu des plus grands casinos en déclarant à haute voix: « Ici, il n’y a qu’une chose qui importe: l’argent, l’argent et encore l’argent (Geld, Geld, Geld) ! ». D’une certaine façon je dois reconnaître que beaucoup de gens à Macao ne mette pas la priorité sur la liberté par rapport à l’argent, néanmoins je trouverais plus juste que les journalistes donnent davantage d’informations sur les deux réalités différentes que constituent par exemple les systèmes de sécurité sociale et d’élections en Allemagne et à Macao.
C’est en tant que doctorant - un titre assez respecté dans la société allemande - que je suis revenu à Berlin où je vis maintenant depuis 2017. Étant que je me considère encore un novice de la langue allemande, je n’ai jamais eu l’ambition de pouvoir faire des commentaires journalistiques dans cette langue comme j’ai pu le faire au Portugal. A mon besoin de davantage apprendre cette langue s’ajoute le fait que l’Allemagne est culturellement assez loin de Macao. Depuis que je présente mes films en Allemagnes en 2013, j’ai lors de ces présentations, dont la plupart avaient lieu à l’invitation de l’Instituto Camões, principalement parlé le portugais et non pas l’allemand ou l’anglais. Ce fait est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai, et cela est très subjectif je le reconnais, toujours eu cette impression que Macao occupe une place d’une importance mineure dans la sinologie allemande. Alors que, et ce grâce à l’importance historique de Macao pour le Portugal, j’ai la chance encore aujourd’hui de pouvoir me présenter comme un intellectuel de Macao, un intellectuel lusophone.
Il y a 12 ans, alors que je me trouvais à Munich, j’ai eu l’opportunité d’interviewer le Professeur Roderich Ptak. Depuis mon master à Berlin j’ai, lors de conversations plus sérieuses ou de nombreux blablas avec des connaissances, toujours insisté sur le théorique intérêt que représente Macao dans le vaste contexte de la Chine. Je ressens d’ailleurs une certaine fierté quand je repense au jour où j’ai acheté quasi toutes les copies existantes de la version allemande du livre-de-photos « Macau » (1992) de Werner Radasewsky (photos) et Teresa Borges da Silva (textes) chez les bouquinistes berlinois, copies que j’ai ensuite offertes à mes chers amis berlinois ainsi qu’aux personnes que j’admire.
Quand il est question de Macao dans la presse, il s’agit en temps normal presque exclusivement toujours de l’aspect économique de cette région administrative spéciale. C’est en cela que voir autant de reportages germanophones au sujet du 20e anniversaire de la RASM m’a grandement étonné. C’est la quantité de ces articles de presse qui m’a d’ailleurs incité à me bouger pour écrire ce présent article. Alors que je vois beaucoup de témoignages d’organes de communication sociale macanaise qui célèbrent avec satisfaction cet anniversaire, la presse allemande et suisse semble non seulement être davantage critique, mais elle est même assez sévère.
C’est dans le contexte des protestations à Hong Kong, protestations qui ont engendré une polémique dans les médias de langue allemande et ont engendré une certaine dégradation de l’image de la Chine en Allemagne, que l’on peut comprendre pourquoi Macao est considéré par plusieurs journaux importants allemands comme « l’enfant » ou la « fille favorite de la Chine. » Je ne suis pas un spécialiste de la presse, mais en tant que simplissime spectateur habitant à Berlin, je ne vois par exemple sur ARTE que des documentaires assez suspicieux sur la Chine. Ces suspicions ne sont pas un problème en soi, il est même important de pouvoir être suspicieux et de connaître les critiques qui se font sur une chose, mais devant cette presque exclusivité de documentaires négatifs il me semble qu’une balance très importante entre les éloges des journaux macanais et les critiques de ceux allemands a été perdue. D’un autre côté les journaux allemands et suisses partagent certaines opinions sur Macao qu’ils voient comme possédant « un état de droit comparativement robuste et des médias libres » (Frankfurter Rundfunk), ils statuent de plus que « les communistes auraient en effet déjà eut le contrôle de la ville beaucoup plus tôt avant la retraite des portugais » (ntv), ou encore que « Macao serai la Chine, et restera toujours la Chine » (Stuttgarter Zeitung).
J’ai à nouveau et comme à mon habitude beaucoup trop blablaté et voilà qu’il ne me reste d’autres choix que de laisser tous ces points critiques pour un ou même plusieurs autres articles à venir à propos de ce thème qui me fascine: la compréhension de la Chine dans la presse occidentale. Avant de clôturer, j’aimerais encore rajouter un point. Il me semble que la grande différence qui peut exister entre les presses de langue allemande de l’Allemagne ou encore de la Suisse et celles d’autres pays qui furent par le passé de grandes puissances coloniales ou qui possèdent encore des territoires d’outre-mer réside dans la particularité de leur point de vue respectif. En tant que pays avec peu de passé colonial, en Allemagne, Mr Wissen2Go a par exemple eu besoin d’inventer un état imaginaire allemand (où, et cela est un hasard, la langue officielle serait le portugais) pour expliquer la place particulière de Hong Kong aux allemands. Compte tenu du peu de passé colonial de l’Allemagne, les critiques allemandes me semblent parfois un peu injustes, ou nécessiteraient au moins davantage d’explications. Critiquer la réalité d’une culture si distincte sans une explication est dangereux. Des explications égocentriques ou qui se contentent de potentielles raisons valent mieux que rien. A l’écriture de cette phrase je me rends ironiquement et satiriquement compte de ce que j’ai moi-même répété comme un problème ici : je n’ai pas expliqué le contexte et les raisons du pourquoi la presse germanophone réagit aussi face au 20e anniversaire de la RASM.
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A l’origine, cet article a été rédigé en 2020 sous la forme d’un brouillon pour le publier en portugais sur « Extramuros. » Cet article a d’abord été écrit en français.