Un symposium de quatre jours regroupant des chercheurs, anthropologues et universitaires venus d’un peu partout, s’est ouvert hier, à Dakar. La rencontre est organisée par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) et l’Organisation Point Sud. Objectif : réfléchir sur le contenu de la Bibliothèque coloniale.
La problématique du contenu de la Bibliothèque coloniale sera au cœur des débats à l’issu des quatre jours que vont durer le symposium d’« Africa N’ko » (dire l’Afrique dans le monde) qui s’est ouvert, hier, à Dakar. L’objectif de cette rencontre est de faire la relecture de la Bibliothèque coloniale, d’adopter une position critique en explorant la richesse des autres bibliothèques pour enfin ouvrir des perspectives en vue d’une réhabilitation de la réalité sur l’histoire telle qu’écrite par des Africains. Une histoire dont une partie a été dissimulée par le pouvoir colonial.
La Bibliothèque coloniale est l’apanage des pratiques et écrits des missionnaires, des explorateurs, des philosophes, etc. Elle a occulté, aux yeux de certains spécialistes, l’existence d’autres bibliothèques et formes de pensée. De fait, il sera donc question de voir comment renverser la tendance et penser les sociétés africaines dans le processus de développement actuel.
« Nous avons pendant longtemps travailler avec des concepts et des théories produits pour la plupart en dehors de l’Afrique. D’ailleurs, même ceux qui ont été produits dans notre continent ont été inventés en Europe ou ailleurs. Donc, pour nous, il s’agira de regarder le monde avec nos propres yeux pour qu’on comprenne assez bien la science afin de pouvoir apporter notre propre contribution et interroger les concepts et théories qui sont utilisés pour parler de l’Afrique », a expliqué Ibrahima Sall, directeur exécutif du Codesria. C’est pourquoi, pense-t-il, ce colloque devra amener les chercheurs africains à continuer le travail d’interrogation et de réflexion sur les manières dont on peut lire le savoir sur l’Afrique et celui dont on devrait comprendre le monde à partir de l’Afrique. Lequel travail a été déjà enclenché, il y a longtemps.
(pode seguir a conferencia em directo a partir do site do CODESRIA )
Une rencontre venue à son heure
« Notre ambition consiste à chercher à transformer notre continent, à avoir la maîtrise des transformations sociales mais également le développement de l’Afrique en augmentant sa capacité d’intervention dans le monde. Et ce processus ne peut se faire en dehors du savoir. Nous sommes des chercheurs et nous pensons que mieux nous comprenons les réalités du monde, mieux nous serons capables de trouver les clés et les mécanismes qui nous permettent de faire en sorte que notre continent ne soit plus en périphérie dans le monde », a-t-il ajouté. Selon, Abdou Karim Ndoye, conseiller technique du ministre de l’Enseignement supérieur, ce colloque vient à son heure du fait qu’il intervient dans un contexte où notre pays a enclenché une réflexion sur l’enseignement supérieur. Cela, à l’en croire, représente une opportunité pour le Sénégal de documenter cette concertation nationale. « Depuis le début du mois de janvier, le gouvernement est en train d’organiser une Concertation nationale sur l’Enseignement supérieur. Dans ce cas, poser la question de la Bibliothèque coloniale, c’est argumenter et documenter cette concertation nationale », a-t-il fait comprendre. Toujours dans la même veine, M. Ndoye a attiré l’attention sur la nécessité, pour les intellectuels africains, de comprendre le contenu de la Bibliothèque coloniale. « La plupart des intellectuels africains ne sont pas conscients du problème des contenus de la Bibliothèque coloniale dans laquelle sont consolidés un ensemble d’ouvrages qui ont, à la limite, placé le Noir dans une sorte d’altérité qui fait qu’on est arrivé à friser la négation de l’humanité du noir. Il est bon de savoir le contenu de cette bibliothèque pour fondamentalement mieux la déconstruire », a-t-il laissé entendre. A ses yeux, cette œuvre de déconstruction a pour effet d’affirmer l’essence du Noir. « Aujourd’hui, l’émergence de l’Afrique ne peut s’expliquer et se comprendre que si elle prend toute sa place dans le cadre de la mondialisation. Affirmer l’Afrique aujourd’hui, c’est monter que son histoire et l’histoire ont été faites à partir d’intellectuels africains qui ont fortement influencé la pensée occidentale qui règne aujourd’hui », a ajouté le conseiller technique du ministre de l’Enseignement supérieur.