Le combat immémorial contre l'oppression
“Seul parmi les habitants de Dofa, Hicham souffrait dans son âme de ne pouvoir partager les fatigues et les dangers de ces résistants anonymes qui livraient le combat immémorial contre l’oppression. Il était pris d’une passion irrésistible pour ces hommes couragueux qui sacrifiaient les commodités de l’existence à une cause malheureuse mais qui honorait l’humanité. Malgré lui la chanson qu’il improvisait en s’accompagnant de la tabla prenait un ton de revolte et d’insoumission au destin. C’était toujours une chanson d’amour, mais elle racontait un amour de pauvres, un amour contrarié par la misère et non par l’éloignement d’une beauté inaccessible. Il était effrayé par les paroles haineuses lui qui n’avait jamais connu la haine qui s’insinuaient dans son chant avec une facilité déconcertante et que sa voix modulait avec un accent de triomphe. Ce n’était plus la complainte inconsolable, mais le cri de celui qui appelle le règne de la terreur et voue à la mort les tyrans. Et il ressentait ce changement avec l’ivresse de l’artiste qui découvre enfin la vérité de son message.”
Albert Cossery, Uma Ambição no Deserto (1984)