Manger et boire en Afrique avant le xxe siècle - revista Afriques

Afriques est une revue internationale d’histoire des mondes africains, qui privilégie les époques antérieures au XIXe siècle, en dialogue avec d’autres disciplines comme l’archéologie, la philologie, l’anthropologie ou la linguistique.
“Pour une nouvelle histoire des mondes africains avant le XIXe siècle” (lire l’éditorial).

 

Appel à contribution Call for papers

Manger et boire en Afrique avant le xxe siècle.

Cuisines, échanges, constructions sociales

Eating and drinking in Africa before the 20th century:
Cuisines, exchanges, social constructions

Publiée en ligne sur le portail Revues.org depuis avril 2010, Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire (http://afriques.revues.org) est la seule revue d’histoire à être consacrée à l’Afrique dite « ancienne », c’est-à-dire antérieure au xxe siècle. Pour son cinquième numéro thématique, prévu pour la fin de l’année 2012, Afriques lance un appel à contribution sur le thème : « Manger et boire en Afrique jusqu’au xixe siècle. Cuisines, échanges, constructions sociales ». L’année prochaine, dix ans se seront écoulés depuis la parution de l’ouvrage collectif Cuisine et société en Afrique : histoire, saveurs, savoir-faire (M. Chastanet, F.-X. Fauvelle-Aymar, D. Juhé-Beaulaton, dir., 2002). Resté à ce jour l’un des rares ouvrages d’histoire consacrés à ce thème, il fut l’occasion d’un bilan sur l’histoire des produits, des plats, des boissons et de la commensalité en Afrique. Ce bilan, le cinquième numéro de la revue Afriques voudrait le renouveler en insistant – comme c’est la spécificité de la revue – sur les périodes antérieures au xxe siècle.

L’histoire des plantes et de l’agriculture faisait partie des questionnements des premiers historiens du Moyen-âge en Afrique de l’Ouest comme Raymond Mauny (1953) ou Tadeusz Lewicki (1974), qui traquaient la distribution des céréales cultivées dans le Sahel à travers les textes géographiques arabes en les confrontant aux données contemporaines. Le champ de l’histoire de l’alimentation, définitivement ouvert en France et en Europe par les recherches de Jean-Louis Flandrin et de ses disciples, a encore du mal à s’imposer aux historiens de l’Afrique, en particulier au sud du Sahara. De même, les historiens de l’alimentation ne sont pas nombreux à s’être intéressé à ce continent. Grande absente de l’Histoire de l’alimentation (J.-L. Flandrin, M. Montanari, dir., 1996), l’Afrique doit à plusieurs facteurs d’être trop modestement représentée dans les synthèses publiées sur ce thème : un terrain de recherches autrefois occupé par une ethnographie descriptive qui tendait à nier, là encore, tout dynamisme dans l’alimentation, la méfiance toujours bien réelle des historiens du monde occidental vis-à-vis des sources employées pour écrire l’histoire « ancienne » du continent, etc. Pour l’Afrique ancienne, l’historien de l’alimentation n’a pas habituellement accès à des livres de cuisine, ni aux « sources de la pratique » qui permettent de calculer rations et dépenses de la table en Occident.

Lorsque paraît Tables d’hier, tables d’ailleurs (J.-L. Flandrin, J. Cobbi, dir., 1999), l’anthropologie des tables du monde « non-occidental » est comparée à l’histoire de l’alimentation en Europe et au Maghreb : ce n’est pas la première fois que sont opposées enquêtes anthropologiques africaines et sources historiques européennes. Ouvrage controversé dès sa sortie, mais demeuré une référence, Cooking, Cuisine and Class (J. Goody, 1982) ouvrait la voie à une comparaison des tables africaines avec celles de l’Europe et de l’Asie : sociologue venant d’un terrain ghanéen, Jack Goody opposait l’Eurasie (à laquelle il rattachait virtuellement le royaume chrétien d’Éthiopie et l’Afrique du Nord) et ses cuisines différenciées, hiérarchisées socialement, à une Afrique subsaharienne sans hiérarchie sociale de l’alimentation, voire sans modification des « menus » dans l’alternance entre quotidien et festif. La généralisation était certainement abusive, mais surtout J. Goody ne comparait pas le même type de données d’un côté et de l’autre. De plus, certaines caractéristiques que le sociologue affirmait ne pas pouvoir trouver en Afrique pouvaient apparaître comme spécifiques à certains cas choisis dans le monde extra-africain – par exemple la France et sa « haute cuisine » – et à des historiographies reposant essentiellement sur l’étude de certaines sources comme les livres de recettes. Nous en appelons donc à une réponse dynamique, reflétant la diversité des sociétés africaines encore trop souvent minimisée. Où en est-on aujourd’hui dans notre compréhension de la construction sociale de l’alimentation en Afrique ?

 

Ce numéro propose dans un premier temps de faire le bilan de la pratique de l’histoire de l’alimentation en Afrique, au nord comme au sud du Sahara : des contributions à portée méthodologique innovante sont donc attendues, notamment autour des sources elles-mêmes (l’usage des sources externes, l’identification de sources de production locale, problème de l’articulation oral/écrit), du dialogue entre disciplines scientifiques (histoire, archéologie des temps historiques, linguistique, anthropologie) et d’approches historiques variées (histoire des techniques culinaires, histoire du goût et des textures). Certaines de ces approches rejoignant les nouveaux courants de l’historiographie : histoire connectée, histoire comparée et histoire sensorielle.

La réponse à l’argumentaire de J. Goody passe par l’étude, dans l’histoire, de la construction sociale de l’alimentation dans les sociétés africaines : autrement dit par l’analyse des constructions identitaires mais aussi, au sein des sociétés elles-mêmes, des mécanismes de la hiérarchisation sociale de l’alimentation (produits, mets, boissons et manières de table) et de la question des pratiques alimentaires festives. Nous espérons notamment, sur le thème du festin, un dialogue nourri entre archéologie et histoire.

L’histoire des plantes alimentaires, par laquelle l’histoire de l’alimentation en Afrique a souvent commencé (à travers notamment un dialogue avec les botanistes), reste encore un domaine largement ouvert. L’arrivée des plantes nouvelles, en particulier du maïs américain, a fait l’objet de nombreux écrits. Les céréales constituaient l’un des thèmes de l’ouvrage paru en 2002. Aujourd’hui, nous souhaiterions publier des contributions traitant de différentes plantes alimentaires, qu’il s’agisse d’espèces africaines ou originaires d’autres continents. Nous n’oublions pas les produits issus de la cueillette, de la pêche, de la chasse et de l’élevage. 

Enfin, la question des échanges matériels et culturels intra- et intercontinentaux est centrale à notre compréhension des dynamiques de l’alimentation. Nous souhaiterions que l’accent soit mis sur les complémentarités régionales et la circulation des denrées à petite et grande échelle (histoire des marchés, de l’approvisionnement des grands centres), sur les échanges non marchands (dons) et sur la transmission des savoir-faire (impact de l’esclavage, des métissages). Sur ce dernier thème, les contributions concernant des aires géographiques extra-africaines (Amérique, océan Indien) sont particulièrement bienvenues.

 

Note aux auteurs

Les textes peuvent-être rédigés en français ou en anglais, et doivent traiter des sociétés africaines sans exclusive régionale (Afrique du Nord et diasporas comprises). La revue Afriques n’aborde l’histoire du xxe siècle que lorsque l’approche choisie est celle de la longue durée. Les contributions d’archéologues mais aussi de linguistes, d’ethnobotanistes et d’anthropologues sont encouragées à condition que ces dernières s’inscrivent dans une perspective historique. Enfin, la revue propose aussi les rubriques « Débats et lectures » et « Sources » (destinée à l’édition scientifique de sources en ligne), qui pourraient être nourries à l’occasion de la sortie de ce numéro thématique.

 

Informations pratiques

La date limite d’envoi des résumés (environ 800 mots) est fixée au 31 octobre 2011.

Les articles complets sont attendus pour le 31 mai 2012.

La date de sortie du n° 5 de la revue Afriques est prévue courant novembre 2012.

Résumés et contributions sont à envoyer à Thomas Guindeuil (tomaso.gu@gmail.com).

 

Monique Chastanet (CNRS/CEMAf/Université Paris 1), Gérard Chouin (IFRA-Ibadan/CEMAf/ArScAn), Dora de Lima (CRHM/Université Paris 1), Thomas Guindeuil (CEMAf/Université Paris 1)

 

Published on line since April 2010 (http://afriques.revues.org), Afriques. Débats, méthodes et terrains d’histoire is the only journal devoted to the history of Africa before the 20th century. For its fifth thematic issue, scheduled for late 2012, Afriques is calling for papers on: “Eating and drinking in Africa before the 20th century: Cuisines, exchanges, social constructions”. Ten years will, in 2012, have passed since the publication of Cuisine et société en Afrique: histoire, saveurs, savoir-faire (M. Chastanet, F.X. Fauvelle-Aymar and D. Juhé-Beaulaton, eds.), still one of the very few books devoted to this topic. It described the history of foods, dishes, drinks and commensality in Africa. The fifth issue of Afriques would like to update this description while focusing on the period before the 20th century, as is the journal’s wont.

The history of plants and agriculture figured among the questions raised by the first historians who worked on the middle ages in west Africa, such as Raymond Mauny (1953) or Tadeusz Lewicki (1974). These authors tried to draw evidence about the distribution of the cereals grown in the Sahel by comparing geographical texts in Arabic with contemporary data. The history of food was definitively opened as a field of research in France and Europe thanks to Jean-Louis Flandrin and his followers, but it is not yet a major subject for historians working on Africa, in particular south of the Sahara. For instance, Africa is missing in the pages of Histoire de l’alimentation (J.L. Flandrin and M. Montanari, eds., 1996). For various reasons, it is not very well represented in publications on this subject. The descriptive ethnology that used to occupy this field of research tended to deny, as usual, the dynamic changes in culinary practices. Historians of the West have been wary of the sources used to write Africa’s “ancient” history. The historians studying food in Africa before the 20th century do not normally have access to books of recipes or the practical sources for calculating food intake and food-related expenses as in the West.

When Tables d’hier, tables d’ailleurs (J.L. Flandrin and J. Cobbi, eds.) came out in 1999, the anthropology of the cuisines of the non-Western world was compared with the history of food in Europe and North Africa. This was not the first time anthropological fieldwork in Africa suffered comparison with the written sources available for Europe. Though controversial, Cooking, cuisine and class (Jack Goody, 1982) is still a reference work. It opened the way to comparing African cuisines with Europe and Asia. Goody, a sociologist who did fieldwork in Ghana, contrasted the differentiated, socially ranked cuisines in Eurasia (in which he tentatively included North Africa and the Christian kingdom of Ethiopia) with sub-Saharan Africa where he did not find a socially marked hierarchy in relation to food, nor even a modification of “menus” between everyday and festive occasions. This generalization was abusive. Goody did not compare the same type of data in both worlds. Some characteristics that the sociologist said he did not observe in Africa had to do with specific cases chosen in the world outside Africa (for instance, France with its “haute cuisine”) or with historical texts mainly based on sources such as recipe books. We are calling for a dynamic approach that reflects the still underestimated diversity of African societies. Where do we now stand in understanding the social construction of food in Africa?

 

This issue will start by assessing the history of food on the continent, both north and south of the Sahara. We hope for methodologically innovative papers about: the sources for food history in Africa prior to the 20th century (the use of external sources, the identification of local sources, the articulation between oral and written sources), the dialog between scientific disciplines (history, archeology of the historical era, linguistics, anthropology), and historical approaches (the history of culinary techniques, the history of taste and textures). Some of these approaches are connected with new trends in the writing of history (connected history, comparative history and sensorial history).

The response to Goody’s argument entails studying how cuisines in African societies have been socially constructed over time, i.e., analyzing the construction of identities and, within these societies, the mechanisms whereby a social hierarchy is expressed through food (products, dishes, drinks and table manners) as well as the question of culinary practices on festive occasions. A fruitful dialog will hopefully take place between archeology and history on this last topic.

The history of plants for crops has often been the starting point for the history of food in Africa (in particular, through a dialog with botanists), but it is still an open question. Several texts have dealt with the arrival of new plants, in particular maize from the New World. Cereals were a subject discussed in Cuisine et société en Afrique. In this special issue, we would like to publish articles on various plants used for food, whether of African origin or from other continents. Nor do we want to forget the food provided by gathering, hunting, fishing and the rearing of livestock.

The question of material and cultural, intra- and intercontinental, exchanges is central to understanding the dynamics of food and culinary practices. We would like for attention to be drawn to: regional complementaries; the circulation of foodstuffs on a large or small scale (the history of markets, of the food supply for urban centers, etc.); nonmarket exchanges (gift-giving); and the transmission of know-how (the impact of slavery or métissage). Contributions dealing with African diasporas (in the Americas, the Indian Ocean) are welcome.

 

Note to authors

 

Texts may be written in French or English. They may deal with African societies anywhere on the continent (including North Africa) and with African diasporas. Contributions from archeologists and linguists, from ethnobotanists and anthropologists, are welcome if they fit into a historical perspective. The journal Afriques focuses on the history of the 20th century only when it is placed in a long-term perspective. Two headings in the journal, “Débats et lectures” and “Sources” (for the publishing of sources on line), can be used for this special issue.

 

Practical information

 

The deadline for sending an abstract (approximately 800 words) for a proposed article is 31 October 2011. The full article is to reach us by 31 May 2012. The fifth issue of Afriques is slated for November 2012. Please send the abstract and contribution to Thomas Guindeuil (tomaso.gu@gmail.com).

 

Monique Chastanet (CNRS/CEMAf/Université Paris 1); Gérard Chouin (IFRA-Ibadan/CEMAf/ArScAn); Dora de Lima (CRHM/Université Paris 1); Thomas Guindeuil (CEMAf/Université Paris 1)

25.09.2011 | por martalanca | afriques